jeudi 10 mai 2012

Machiavélique enseignant!

Des souvenirs d'enfance resurgissent et le machiavélisme de l'enseignant se dévoile à moi en lisant quelques articles sur Actualitte.com ...


Moi sur le lit dans la chambre en train de lire, nous sommes ma cousine et moi chez nos grand-parents et elle veut aller jouer aux chevaux dehors...
"Tu n'es qu'une marmotte de bibliothèque!" Ma cousine excédée de me voir la truffe constamment dans mes bouquins désirait comme toujours aller quiller un bâton entre ses jambes, comme beaucoup d'enfants, et dont le caractère pur et puéril m'interdit tous jeux de mots grivois (et pourtant ça me brûle les lèvres, ou les doigts).
Je crois que nous avions sept ou huit ans et je lisais une adaptation jeunesse de Pierre Grimal, pour cela j'en suis sûre, et j'avais une folle envie de faire manger mon livre à la petite fille piaffant près de moi. "Pfffff!". Elle me dérangeait. Réfléchissant que le gavage que je m'apprêtais à lui faire subir allait très certainement abimer mon livre.
"Allez, viens dehors!" À deux doigts du caprice, elle allait bientôt exploser si je continuais à faire comme si elle n'existait pas.
"On ne dit pas une 'marmotte de bibliothèque' mais un 'rat de bibliothèque'!" Sans plus de mots, sans relever les yeux et sans répondre à ses attentes, je ne lâchais pas mon livre. À cette époque, j'étais déjà insupportable, j'adorais reprendre les gens pour étaler ma science et mon jeu favori consistais à rendre folle ma cousine germaine. Elle s'est énervée et a voulu m'insulter, chose que j'attendais, je tairais les mots que je lui ai assénés et qui l'ont faite pleurer, mais c'est jour là que ma grand-mère m'a rabrouée en m'expliquant que les mots pouvaient faire mal et que je ne devais pas être méchante avec ma cousine. Pour me faire pardonner, la punition imposée fût d'aller jouer avec ma cousine dont les larmes séchèrent instantanément dès lors qu'elle eut son balais équestre entre les cuisses.
J'étais en train de lire un livre sur la mythologie grecque et je voulais donc que l'histoire que nous jouions se passe en ces temps antiques au milieux de dieux et de héros. Elle était fan de Docteur Queen, de cheveux et ne se souciait pas de la cohérence des histoires qu'on mettait en scène. Elle voulait être le Docteur Queen et me disait d'être ce que je voulais, on s'en foutait. Mais bien sûr que non on s'en foutait pas! Elle voulait que des personnages d'Amériques rencontrent des personnages mythologiques, c'était inadmissible pour moi. si j'avais été en train de lire un livre sur le Nouveau monde, il y a fort à parier qu'aucune dispute ne serait à nouveau intervenue ce jour là. Mais dès mes premières lectures, mon goût se porta vers la mythologie grecque, puis romaine et ce qui ne fût qu'un sujet de discorde anodin entre deux enfants, était peut-être en fait les prémisses d'un trait de caractère qui n'irait qu'en se renforçant.


L'ActuaLitté d'hier matin portait sur "l'influence réelle des personnages de roman sur notre vie". On y apprend que la lecture n'est pas un acte anodin et que le lecteur, parce qu'il s'approprie l'histoire et la vie du personnage, parce qu'il s'identifie à lui, peut voir ses opinions changer et être influencé dans ses actes. La preuve en est peut-être ma fascination toujours d'actualité pour l'antiquité et Dionysos que je me suis fait graver dans la peau. J'aurais peut-être été une personne complètement différente si mes lectures de jeunesse et d'étudiante avaient été toutes autres.
La lecture développe l'empathie, ce dont je suis sûre, bien que la petite anecdote ci-dessus ne prête pas y croire, la lecture "améliore sensiblement notre capacité d'empathie avec les autres et de nous connecter à quelque chose de plus grand que nous-mêmes" (un article plus ancien, toujours sur ActuaLitté, vient relayer les propos de Keith Oatley, un romancier psychologue, que je viens de citer). 


La lecture aurait donc un impact puissant sur les lecteurs et le travail de l'enseignant qui choisit les textes qu'il va faire étudier, bien souvent des textes qu'il aime, parce qu'il est plus facile de transmettre quelque chose que l'on aime, vont modeler les petites caboches de la forêt de têtes blondes, angéliques et innocentes qui sont devant lui. Si les lectures modèlent l'esprit et que l'enseignant offre des textes qu'il aime, n'est-on pas en droit de se dire qu'il est en train de modeler à son image ces enfants et adolescents qui sont face à lui? L'enseignant à une lourde charge sur les épaules, il à la responsabilité de donner goût à la culture et au savoir à ses élèves en les aidants à devenir eux-même et forger leurs propres idées et représentations. Mais à la lumière des articles parcourus hier, je me dis que mon plan machiavélique de faire de mes élèves des mini-moi comme je leur dit tout le temps, est peut-être un acte plus répandu bien qu'inconscient. 
"Si beaucoup d’adultes imaginent qu’une éducation soigneuse et des conseils rationnels incitent les adolescents à mieux se contrôler et à se conduire raisonnablement, ces récentes découvertes démontrent l’impulsivité propre à beaucoup d’adolescents, la difficulté qu’ils ont à se maîtriser et à contrôler leurs réactions. Il est ainsi illusoire d’espérer convaincre les jeunes adolescents à l’aide d’arguments abstraits."
Lors d'une conférence à Ambatoroka le 7 mai dernier, le professeur Michaud nous expliquais qu'être rationnel envers un adolescent ne servait à rien (sans dec'?...), on connait déjà les étapes de développement du cerveau jusqu'à l'âge adulte, et on sait déjà que le cerveau de nos Loulous adorés n'a pas terminé de se former et donne des indices sur les comportements mystérieux de l'adolescent comme cet ancien article de "Au bistro du coin" en fait état. Stephanie BURNETT et Sarah-Jayne BLAKEMORE  lors d'une conférence au Collège de France sur le "Cerveau social à l'adolescence" concluaient en disant ceci: 
"De nombreux facteurs sont responsables des changements complexes intervenant dans le comportement social et la conscience de soi durant l’adolescence. Les hormones, les gènes et l’impact psycho-social des changements physiques de la puberté y contribuent sans aucun doute, tout comme les expériences qu’un individu ne cesse d’engranger avec différentes personnes et dans différentes situations sociales. Et, bien que la science ait encore peu à dire sur ce sujet, les décisions quotidiennes qu’un adolescent choisit de prendre doivent certainement modeler l’intelligence sociale chez l’adulte."
On ne l'oublie jamais, les enfants et adolescents qui sont dans nos classes seront un jour des adultes, des adultes qui seront peut-être des acteurs de la vie sociale et intellectuelle de leur pays et l'enseignant est celui qui tient entre ces mains une espèce de pâte à modeler, plutôt grise que blanche si j'en crois mes lectures. L'adolescent est un être empathique mais surtout un être en devenir et je me dis que je vais continuer à former des mini-moi et espèrent qu'ils dirigeront le pays un jour. Pour que les futurs dirigeants de ce beau pays que je vis soit à mon avantage je suis en train de mettre en place un plan diabolique pour mettre en marche mon Utopie, je vais INFILTRER les commissions qui se chargent de créer les programmes scolaires et OBLIGER les enseignants à proposer quelques lectures à leurs élèves, abrogeant par la même occasion la liberté pédagogique qui m'est chère, mais on ne bâtie pas une Utopie sans sacrifices...


Tous les élèves devront avoir lu Michel Onfray et connaître par coeur la chronique du mois de mai 2012.
Tous les élèves auront eut à lire un témoignage poignant d'un enseignant débordé et à bout de nerf dans sa classe, avec un peu de chance, la magie de l'empathie fera son effet et se transformerons en petits anges avec nous.
Tous les élèves devront lire mes blabla et mes délires pour que la même folie les animes et qu'un monde parfait pour moi puisse enfin naître, un monde constitué de milliers de personnes comme moi. Peut-être qu'on se sentira alors moins seules avec ma meilleure amie...


Le programme n'est encore qu'au stade d'ébauche, mais je vais tout faire pour mettre en oeuvre ce plan machiavélique et je forcerais les choses pour que l'amour et les bisous deviennent la norme entre les personnes, et je n'ai pas honte, j'assume le côté gnangnan et bisounours de ce petit délire.

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