Je m’apprête à lire un livre. Un Folio tout ce qu’il y a de
plus anodin, comme tous ceux qui sont déjà passés entre mes mains ; un
assemblage ingénieux, mais banal de fibres végétales. Cependant, comme toujours,
un doux émoi s’empare de moi et toucher ce livre me fait croire à des choses
magiques. La somme de savoirs, de pensées, d’imaginaires, de sensations, de
sentiments et d’émotions que me promet chaque livre est une chose surnaturelle
et prodigieuse, et ce, depuis toujours.
Petit livre au format poche, je prends le temps de le
regarder, l’observer sous toutes ses coutures, toucher la qualité des matières
qui le composent, sentir son odeur en brassant les pages sous mes yeux avides.
Le livre, avant sa lecture, est une rencontre mystérieuse et sensuelle pleine
de promesses, un instant de fantasmes et d’attente si proche de celui qui
précède une relation amoureuse ou sexuelle. Le premier contact se fait avec la
première de couverture ; premier échange de regard, premier sourire. On
tourne ensuite autour de la chose, la manipule légèrement et on se penche sur
la quatrième de couverture, le premier rendez-vous, la première discussion, la
première émotion souvent. La première émotion, dont on devra dépasser le
préjugé pour arracher l’étiquette collée machinalement ou au contraire
conforter l’agréable surprise, lorsqu’elle est enfin outrepassée ou trépassée,
on se lance à sa conquête ou le délaisse.
J'ai Le
Sexe et l’effroi, de Pascal Quignard, entre les mains et déjà, dès la quatrième de
couverture, avant même d’avoir commencé à effeuiller cette œuvre, mon esprit
voyage et se laisse emporter dans une volubile idylle tournoyante avec les mots
que l’auteur m’offre comme cadeau divin. J’aime l’objet livre, j’aime les mots
qu’ils contiennent.
« La jouissance arrache la vision de ce que le désir
n’avait fait que commencer de dévoiler ». Je désire lire ce livre et je
compte bien jouir de sa lecture. Ma philosophie hédoniste qui me fait apprécier
Michel Onfray, adorer Pierre Louÿs et vénérer Dionysos me permet de chercher le
bonheur et la jouissance dans tout ce qui m’entoure, et surtout le Savoir sous
toutes ses formes. Parce que, dixit
Pierre Louÿs, la sensualité est la
condition mystérieuse, mais nécessaire et créatrice du développement intellectuel,
j’explore de manière intellectuelle et sensuelle tout ce qui se présente à moi
et j’aime tout autant la tension que l’on ressent dans le désir, que la
sensation plénipotentiaire de bonheur absolu lorsqu’on jouit.
La jouissance est violence. Vol à l’arraché sur celui qui désirait,
qui observait l’étoile et déplorait son absence. C’est faire basculer du monde
de la contemplation à celui de la sensation. La jouissance c’est vivre après
avoir rêvé. Désirer, de sidius,
« l’étoile » en latin, c’est contempler une chose transcendantale,
c’est se projeter dans les cieux et se débarrasser momentanément de son corps
pour mieux le retrouver. Désirer c’est faire entrer l’objet de nos vœux dans
notre espace onirique personnel pour ensuite l’accepter physiquement à soi, en
soi même, comme s’il s’agissait du fascinant phallus d’un homme que l’on désire.
Lire, c’est se laisser pénétrer par quelque chose qui nous dépasse.
Je suis l’amante des livres que je lis, ils vivent à jamais,
tous, en moi. Je suis une amante plurielle qui ne se laisse pas enchaîner par
une œuvre, un genre, une histoire. Je suis une amante infidèle qui aime lire
plusieurs oeuvres en même temps et collectionner les marques pages au milieu des
livres comme on collectionne les draps froissés dans les lits qu’on a multipliés.
Nul doute que ma biographie d’Alexandre le Grand et mon Voyage érotique ne m’en
tiendront pas rigueur.
4 commentaires:
Hello Mélie!
Tu as décidément une très belle plume. Ca fait plaisir de te revoir active sur ton blog! ;)
Merci Djinnzz, de me lire, commenter et me faire rougir...
Bonjour Mélie
j'aime beaucoup cette approche du livre car je m'y retrouve. J'ai horreur des magasin et je n'y entre que par nécessité par contre que Dieu me protège des librairies car quand j'y entre j'ai du mal à en ressortir: je peux y passer des heures et généralement j'en ressort les bras chargés. Je déteste les livre sous emballage car cela me prive de cette sorte de rapport sensuel que j'établis avec l'objet livre, avec son papier, avec la qualité de la typographie etc etc.Et, en même temps, je rêve.
Amicalement
Antonio
Nous avons la même conception des courses mon cher Antonio. Les propos de Umberto Eco à propos des bibliothèques ont toujours trouvé un echo en moi. La sérendipité (nouveau mot de vocabulaire que j'ai appris sur EtaleTaCulture et que j'adore!) est magique mais aussi un vrai forage dans mes économies lorsque je passe le pas de la porte d'une librairie.
Je suis parfois obligée de commander mes livres sur le net parce qu'ils sont indisponibles ailleurs, mais je suis toujours frustrée jusqu'à temps que le colis arrive. J'ai l'impression d'avoir fait une rencontre sur un site dédié à cela, à la va-vite, comme pour un coup d'un soir. Heureusement que la magie opère lorsque j'ouvre mon colis, et que l'objet est enfin dans mes mains!
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